jeudi 11 février 2016

IV - Refonder la politique familiale et la reconnaissance du Mariage religieux







Avant-Propos:

"Si vous avez 1 Père et une Mère, vous avez une énumération complète, mais si vous dîtes: "une mère et une mère",on ne voit pas bien pourquoi on s'arrêterait la ... l' énumération pourrait alors s'ouvrir indéfiniment... les revendications homophile reconnaissent donc la primauté de la relation Homme/Femme qui est féconde"                                                                                                                  (Fabrice Hadjadj - Audio ci dessous)



(Toute (forme) de reconnaissance d'un autre modèle que le couple Homme/Femme ouvre automatiquement à la reconnaissance du "trouple" et à la "multi-parentalité", avec comme corélaire, la ruine plus ou moins rapide de la Famille, du couple, du mariage et de la protection de l'enfant)


Sommaire:
IV - Refonder la politique familiale et la reconnaissance du Mariage religieux 
"Refonder la politique familiale" Dominique Marcilhacy - IF&R ()
Audio: "Qu est ce qu une Famille" de Fabrice Hadjadj ()
"La libération du mariage religieux"
           Claude de Martel & Anne Morinneaux de Martel - IF&R ()


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Sommaire général:

I - Abroger ! La genèse d'une loi et ses conséquences ... (

"Conduire un peuple" par Thibaud Collin - LiberTpol ()
Roland Hureaux - LiberTpol ()
Geoffroy de Vries - IF&R ()
André Bonnet (pseudonyme) - IF&R ()
Anne Morineaux-de Martel - IF&R ()

II - Abroger ! Pourquoi ()? Comment ?()

Michel Pinton - LiberTpol ()
Joël Hautebert - IF&R ()
Guillaume Drago - LiberTpol ()
Grégor Puppinck et Claire de la Hougue - IF&R ()
Anne-Marie Le Pourhiet - IF&R ()

III - Protéger le mariage, l'enfant , la Famille et Interdire la GPA () 
Clothilde Brunetti-Pons - IF&R ()
Aude Mirkovic - IF&R ()
Grégor Puppinck et Claire de La Hougue - IF&R ()

IV - Refonder la politique familiale et la reconnaissance du Mariage religieux () 
Dominique Marcilhacy - IF&R ()
Audio Fabrice Hadjadj ()
Claude de Martel & Anne Morinneaux de Martel - IF&R ()


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"Refonder la politique familiale" Dominique Marcilhacy - IF&R



Résumé 



Variable d'ajustement des politiques sociales de droite comme de gauche, la politique familiale s'est peu à peu désagrégée. Le niveau de vie relatif des familles a considérablement baissé. Qui plus est, les régimes de retraite pénalisent les mères et les familles alors que c'est sur elles que repose leur pérennité. Cène décrépitude de la politique familiale vient de ce qu'elle est conçue selon une logique de taxation et non d'échanges entre générations. 



Pour en sortir, il faut attribuer les droits à la retraite en fonction de ce que chacun investit dans la génération à venir, comme parent et/ou comme cotisant. Il faut également contractualiser la ponction que les retraités peuvent exiger des actifs. Ces réformes ne requièrent pas de dépenses supplémentaires. Équitables, elles seraient favorables à la fécondité et à la modération du coût salarial.


L'état des lieux de la politique familiale est accablant



La politique familiale est la variable d'ajustement des économies en matière de protection sociale


La branche famille de la Sécurité sociale est la seule sur laquelle il soit possible et même facile de faire des économies : les gouvernements se cassent les dents sur l'assurance maladie (qui a subi 26 plans de redressement en vingt ans) et les facteurs démographiques sont tels que les dépenses vieillesse ne peuvent qu'augmenter. Au contraire, en matière de prestations familiales, il est facile de diminuer ce qui est versé. Les économies sont mécaniques et certaines. Enfin, jusqu'à présent, les victimes de ces restrictions ne descendent pas dans la rue.

C'est pourquoi, avec une belle unanimité, la quasi-totalité des gouvernements de gauche et de droite font porter aux familles l'essentiel des économies en matière de sécurité sociale. Ainsi, le plan Juppé de 1995 faisait-il subir à la branche famille 40 % des économies annoncées, et les gouvernements Ayrault et Valls ont-ils baissé de 3 milliards par an le montant des prestations familiales.

De fait, depuis soixante ans, les prestations familiales n'ont cessé de perdre du terrain par rapport au revenu national.



Si elles avaient suivi l'évolution des salaires, voici ce que toucheraient aujourd'hui les familles selon le nombre de leurs enfants (colonne Prestations familiales, base 1954) :

Combien touchait une famille en 1954 et combien touche-t-elle aujourd'hui ?



Élever des enfants est redevenu un luxe : avec trois enfants, un couple doit consentir une baisse de son niveau de vie de près de 40 %.

Or le niveau de la politique familiale n'est pas sans incidence sur la fécondité : de nombreuses expériences historiques et différentes enquêtes l'attestent. Aujourd'hui, la majorité des couples limitent leur descendance à un ou deux enfants tandis que beaucoup de familles nombreuses s'enfoncent dans la pauvreté.

Pourtant, une fécondité de l'ordre de deux enfants par femme est indispensable pour faire fonctionner harmonieusement les échanges entre générations : s'il ne naît pas assez d'enfants, les retraites de demain seront faibles. Pour l'heure, sans l'apport de l'immigration, la fécondité des femmes est d'1,7 seulement. La montée actuelle du Front national montre que le recours à l'immigration pour compenser notre faiblesse démographique a atteint ses limites.



Les régimes de retraite défavorisent ceux qui les financent
Comment se préparent en effet les retraites dans les systèmes de répartition ? Par la mise au monde et par l'éducation des enfants, c'est-à-dire par « l'investissement dans la jeunesse ».

L'investissement dans la jeunesse (en milliards d'euros 2013*)
502 milliards d'euros par an
*09 actualisation


Or, cet investissement dans la jeunesse ne procure quasiment aucun droit sur les retraites qu'il prépare : lorsque les actifs paient des impôts pour financer l'Éducation nationale ou des cotisations familiales, ces sommes ne leur procurent pas de points de retraite. Elles sont versées à fonds perdu, selon une pure logique de taxation.

Les régimes de retraite accordent bien quelques avantages aux parents qui ont eu de nombreux enfants. Citons la validation gratuite d'années d'assurance pour les mères de famille dans le régime général et les maigres bonifications de pension versées par l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC), l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO) ou la Sécurité sociale... encore leur disparition est-elle programmée. En s'en tenant aux seuls salariés du privé, le « retour sur investissement » des familles en termes de pensions de vieillesse représente environ 6 % des dites pensions.

Alors que les familles assurent sur leur budget personnel 60 % de l'investissement dans la nouvelle génération, cet investissement n'est valorisé qu'à hauteur de 6 % au moment de la retraite.

Pire, cette valorisation profite davantage aux familles restreintes et aisées qu'aux familles nombreuses et modestes. Toutes les bonifications sont, en effet, des droits annexes à une pension de retraite principale et sont en général d'un montant proportionnel à celle-ci. Or les mères de familles nombreuses ont le plus souvent des carrières incomplètes et

mal payées. Les gratifications dont elles bénéficieront seront donc plus faibles. Un couple de salariés moyens qui a élevé cinq enfants aura une retraite inférieure de 25 % à celle du couple qui n'en a élevé qu'un seul, sa capacité d'épargne aura été 6,6 fois inférieure, il aura, pourtant, dépensé 2,2 fois plus pour la préparation des retraites...

Plus les familles ont d'enfants, moins elles ont de retraite


D'où vient ce paradoxe ? Il vient de ce que l'État, lorsqu'il a pris en charge la régulation des échanges entre les générations, n'a pas su respecter la réalité économique : au lieu de donner à chaque actif des droits à la retraite au prorata de ce qu'il a investi dans la génération à venir, il les lui a accordés au prorata de ce qu'il a versé à la génération vieillissante. Dans notre système juridique, en effet, ce sont les cotisations vieillesse qui servent de base à l'acquisition des points de retraite.

Or, à quoi servent ces cotisations vieillesse ? Elles servent à faire vivre les retraités. Elles sont immédiatement dépensées par eux. Elles ne servent en rien à préparer la retraite des actifs. Demain, les retraités seront morts. Ce ne sont pas eux, par conséquent, qui garantiront une retraite aux actifs. Ce sont les enfants de ces actifs.

La politique familiale pèse sur le coût du travail au lieu de l'alléger


Un salarié moyen coûte actuellement 3 686 € par mois à son employeur. Après cotisations et impôts, son salaire disponible n'est plus que de 1 561 €. Sur les 3 686 € par mois qu'il coûte à son employeur, le salarié paye 1 008 € de cotisations qui lui rapportent des droits. Mais il paye aussi 1 020 € en prélèvements obligatoires qui ne lui rapportent, personnellement, aucun droit. Travailler ne lui rapporte donc que 1 561 € (son salaire net) + 1 008 € (ses cotisations « utiles ») = 2 569 €, soit 30 % de moins que ce qu'il coûte à son patron.


Entre un patron qui sait que le salarié lui coûtera 3 686 € et un salarié qui ne va gagner que 2 569 €, l'équilibre sur le marché du travail va se faire avec moins d'embauché.

Or, une large part des 1 020 € en prélèvements obligatoires improductifs de droits relève de la politique familiale et, plus largement, de l'échange entre générations. Notre salarié « moyen » y consacre 671 € par mois.



Pour abaisser le coût du travail, l'idée commune est aujourd'hui de faire supporter par l'impôt tout ce qui relève de la politique familiale. C'est pourtant l'inverse qui aurait cet effet, comme il va être démontré ci-après.

Pourquoi cette décrépitude de la politique familiale ? Parce qu'elle est conçue selon une logique de taxation, alors qu'elle relève d'une logique d'échange entre générations

La politique familiale relève d'une logique de report de revenu d'un bout à l'autre du cycle de vie

Pour comprendre les services rendus par la Sécurité sociale, il faut différencier :

- Les opérations qui relèvent de l'assurance au sens de mutualisation des risques

Chacun a, par exemple, 10 % de chances qu'un sinistre qui le priverait de son revenu survienne. Les statisticiens savent à combien se monte l'ensemble de ces sinistres. En faisant payer à chacun sa quote-part de la « facture » totale, un organisme mutualisateur peut rembourser toutes les victimes, sans lui-même courir de risque. En matière de sécurité sociale, cette logique d'assurance se retrouve dans l'assurance chômage, l'assurance maladie et l'assurance accidents du travail.

- Les opérations qui relèvent du report

II s'agit pour un individu de se préparer à un événement dont la survenance est quasiment certaine et qui le privera de ressources. C'est le cas de la vieillesse. À notre époque, chacun est à peu près sûr de vivre vieux. On ne s'assure pas contre un risque quasi certain. Pour préparer sa retraite, chaque actif doit donc organiser un report de revenu entre les périodes de sa vie active et celles de sa vieillesse.

C'est une réalité économique élémentaire : pour reporter du revenu d'une période à l'autre de l'existence, on commence par investir ce revenu, ou à le confier à des personnes qui l'investissent (c'est la partie investissement du report) ; puis les agents ayant bénéficié de cet investissement transfèrent une partie de leurs revenus à ceux qui l'ont financé (c'est la partie remboursement du report).

En matière de sécurité sociale, l'investissement pour ses vieux jours relève de la politique familiale (y compris l'Éducation nationale) et le retour sur investissement de la politique des retraites.



- Les opérations de solidarité

Elles visent à organiser une redistribution des ressources en direction de ceux qui sont dans

le besoin.

En matière de protection sociale, l'exemple le plus pur est celui de l'allocation aux adultes

handicapés. On peut y ajouter le revenu de solidarité active (RSA), l'aide sociale et une

petite partie des dépenses maladie et chômage, en bref, tout l'argent qui est versé aux

personnes incapables de se débrouiller sans aide financière.

En termes financiers, la fonction « report » de la Sécurité sociale est prépondérante :

Les logiques de la protection sociale (en Md€ )




Focus sur les opérations de report

Le report-investissement est au cœur de la politique familiale

Comme l'illustre le croquis, chaque année, les actifs investissent plus de 500 milliards d'euros dans la mise au monde et l'éducation des enfants. 40 % de cette somme est payée par l'ensemble des actifs : il s'agit des dépenses d'instruction et d'une partie des dépenses d'entretien, celle que financent les prestations familiales.

Mais 60 % de l'investissement dans la jeunesse est financé directement par les ménages lorsqu'ils élèvent leurs propres enfants.

Le poids de cet investissement est très inégalement réparti : il varie selon le taux d'activité professionnelle des parents et selon le nombre d'enfants élevés. Globalement, dans un ménage qui élève beaucoup d'enfants, l'activité professionnelle d'un des parents -généralement la mère - est diminuée. Il en résulte moins de cotisations et d'impôts, mais davantage de dépense privée et de travail domestique.

Le tableau suivant illustre le montant de l'investissement dans la jeunesse réalisé par des couples de profession intermédiaire selon leur descendance :



Le report-remboursement est au cœur de la retraite par répartition

Les droits à la retraite et la protection maladie des retraités sont la contrepartie des dépenses que ces retraités ont assumées pour élever la génération des actifs d'aujourd'hui. Ce remboursement, vieux comme le monde (« Tu honoreras ton père et ta mère »), s'effectue aujourd'hui de façon collective et non plus intrafamiliale. Mais sa logique est la même. Les cotisations vieillesse sont dues aux retraités parce qu'elles ont un caractère de remboursement.

Le retour sur investissement ou le transfert vers les retraités
en milliards d'euros 2013


75% venant de l'État
21 % venant des retraités
4 % venant de leurs familles


Dès lors, il serait logique que ces droits soient fixés de façon contractuelle puisqu'il s'agit d'un échange entre deux générations.

Mais aucune règle juridique clairement établie, ni même prévisible, ni a fortiori contractuelle, ne préside aux rapports entre les actifs et les retraités : dans les années 1960, les prélèvements en faveur de la vieillesse représentaient environ 10 % des revenus des actifs. Ils sont actuellement de l'ordre de 30 %. Dans les années 2040, ils pourraient s'élever à 40 %, selon la vigueur du rapport de force électoral actif/retraités.



Physionomie de la fiche de paye d'un salarié selon les logiques véritables de la Sécurité sociale


Chaque salarié prépare sa retraite en investissant dans les générations à venir et rembourse ses anciens en leur payant une retraite. Il s'assure aussi personnellement contre les risques de maladie ou de chômage et, enfin, consacre une petite partie de son revenu aux plus démunis :



Un système où chaque actif s'assure contre la maladie et le chômage, accumule des points de retraite en investissant dans la génération à venir et rembourse sa dette en entretenant ses aînés est un système où cet actif achète sa protection sociale.

C'est un système d'échange, le contraire d'un système de prélèvements obligatoires dans lequel les paiements n'ont pas de contrepartie. Les prélèvements obligatoires ne sont plus nécessaires que pour la solidarité, c'est-à-dire la redistribution, soit environ 5 % des dépenses sociales.

Pour faire passer la Sécurité sociale d'une logique de taxation à une logique d'échange, il faut raccorder la politique familiale avec celle des retraites



II faut rendre leur vraie nature aux dépenses famille et retraite 

II faut attribuer les droits à la retraite en fonction de l'investissement dans la génération à venir


Les cotisations vieillesse qui servent à financer les pensions des retraités actuels doivent naturellement être maintenues. Toutefois, elles doivent cesser de servir de base à l'attribution des points de retraite des actifs d'aujourd'hui.

Ces points de retraite seront attribués en fonction de la contribution de chaque actif au renouvellement des générations. Cette contribution se fait de deux manières :

une partie monétaire sous forme d'une contribution remplaçant les cotisations et les impôts divers servant à financer la part « collectivisée » de l'investissement dans la jeunesse (Éducation nationale, prestations familiales, assurance maladie des enfants) ;

une autre partie payée « en nature », par l'entretien de ses propres enfants et par les travaux domestiques effectués pour eux.

L'une et l'autre contribution donneront lieu à attribution de points de retraite.

On notera que les personnes sans enfants ne seront pas exclues du système : elles accumuleront des points lorsqu'elles paieront les contributions destinées à financer la partie publique de l'investissement dans la jeunesse (Éducation nationale, prestations familiales, couverture maladie des jeunes). Elles auront la faculté d'acheter des points supplémentaires et conserveront une épargne suffisante pour se constituer un capital de retraite.


Pour que ce système soit basé sur l'équité et non sur l'assistanat, les allocations touchées pour l'entretien des enfants au titre de l'aide sociale et des prestations familiales, viendront en déduction de la cotisation jeunesse et un enfant qui ne sera pas poussé dans ses études ne rapportera que peu de points de retraite. 

Dans le système proposé, sera comptabilisé et rétribué à sa juste valeur l'investissement effectué aujourd'hui à fonds perdus.

On notera que pareil système n'a pas d'incidence sur le montant des prélèvements obligatoires. Les mêmes sommes continueront d'être versées au profit des retraités et de la jeunesse. Seul change leur rôle dans l'attribution des droits à la retraite.



Il faut contractualiser les cotisations vieillesse 


Les sommes dues par les actifs aux retraités ont, rappelons-le, la nature d'un remboursement. Lorsqu'ils étaient jeunes, ces retraités ont « investi » dans la génération de leurs enfants afin d'assurer leurs vieux jours. Cet échange entre générations existe depuis la nuit des temps (« Tu honoreras ton père et ta mère ») mais il ne s'exerce plus aujourd'hui dans le cadre familial : il a été élargi à la société toute entière par la création des retraites par répartition.

Reste que cet échange, pour ne pas peser excessivement sur les jeunes générations et être accepté par elles, doit revêtir une nature contractuelle qu'elle n'a pas aujourd'hui.

S'agissant des droits des retraités :
  • à compter de la réforme, le montant que touchera chaque retraité ne sera plus fonction de ce qu'il aura payé en cotisations vieillesse mais de ce qu'il aura dépensé en faveur de la jeunesse en vertu des principes exposés plus haut ; 
  • tous les droits à la retraite acquis jusqu'à la réforme seront servis selon les anciennes modalités. Ils seront convertis en « points », de sorte que la valeur du point leur soit applicable. Mais à compter de la réforme, tous seront soumis aux nouvelles modalités d'acquisition des points retraite; 
  • le montant du remboursement dû aux retraités sera fixé en pourcentage du revenu des actifs, sans augmentation possible;
  • chaque retraité aura un droit de tirage déterminé en nombre de points;
  • la valeur du point de retraite dépendra du nombre d'actifs en train de rembourser. De la sorte, plus la génération des retraités aura eu d'enfants, plus confortable sera sa retraite ;
  • le droit à pension sera fonction de la moyenne de vie prévisible du retraité futur (éventuellement en tenant compte de son espérance de vie par catégorie socioprofessionnelle). Le retraité bénéficiera sur son compte d'un « droit de tirage » calculé selon les données actuarielles (ex : M. Dupont a un droit de pension de 300 000 € avec une espérance de vie probable de 85 ans. Il peut choisir de partir à la retraite à 65 ans avec 20 000 € par an ou à 70 ans avec 33 000 € par an) ;
  • ce droit de tirage sera patrimoine commun du couple. Il appartiendra aux époux de la répartir entre eux à leur gré ;
  • on maintiendra un « minimum vieillesse » pour les nécessiteux. 

S'agissant de la dette des actifs :

elle doit être payée par tous les actifs, qu'ils aient une activité professionnelle ou non car elle est la contre-valeur de ce qu'ils ont reçu dans leur enfance ;

son montant sera donc calculé ne varietur en pourcentage du revenu. De la sorte, il deviendra prévisible pour la jeunesse : c'est la part de revenu qu'elle aura à consacrer aux actifs d'aujourd'hui qui seront les vieux de demain ;

on l'appellera « cotisation de remboursement » pour bien la distinguer de la cotisation vieillesse actuelles :

  • - seront toutefois appelés à verser un pourcentage de cotisation vieillesse supérieur aux autres ceux qui auront fait des études supérieures car ils auront coûté plus cher à la collectivité que les autres, 
  • - pourront payer des cotisations plus faibles ceux qui paieront « en nature », en s'occupant par exemple d'un vieux parent. 

L'argent collecté par cette cotisation servira à payer les pensions de retraite et les dépenses d'assurance maladie des retraités. Mais son paiement ne rapportera aucun droit.

Il faut dégager la politique familiale de la logique de l'assistance

II est souhaitable, dans un esprit humaniste, d'accompagner la transformation des retraites par trois importants changements :

- Un véritable statut social parental doit être instauré 

Si l'on admet que les actifs investissant dans la jeunesse remplissent une fonction au service de la société tout entière, un statut social leur est dû. Ce statut n'a pas de raison d'être rattaché à l'exercice d'une activité professionnelle puisqu'environ 60 % du service est extraprofessionnel.

Le fait d'élever des enfants donnera droit, outre les points de retraite sus-évoqués, à une protection maladie pour le parent au foyer, à une protection contre l'invalidité ou le décès sous forme de rente éducation au profit des enfants. Enfin, la formation professionnelle sera de droit pour le parent qui souhaite reprendre un métier.

- Les prestations familiales seront remplacées par une ligne de crédit 

Le système actuel de prestations est extrêmement compliqué. Il est en outre extrêmement dirigiste. Les choix des familles sont orientés, par le moyen des allocations, vers les comportements que le Gouvernement juge bons pour elles... ou pour sa propre image électorale.

Pour mettre fin à cette approche tutélaire de la politique familiale et permettre aux parents d'exercer librement leurs responsabilités, l'ensemble des prestations familiales sera remplacé par un droit de tirage sur un compte à vue tenu par les Caisses d'allocations familiales. Ce compte sera alimenté en fonction de la taille de la famille et de l'âge des enfants.

Les effets de la refondation proposée de la politique familiale 

Une relance de la fécondité 

Dans le système actuel, les ménages ont un intérêt personnel à ne pas avoir trop d'enfants, source d'appauvrissement, mais à compter sur les enfants des autres pour financer leur propre retraite. L'intérêt individuel des ménages s'oppose à celui de la société en général et celui des régimes de retraite en particulier. Pour eux, il est souhaitable que naissent un maximum d'enfants et qu'ils soient bien élevés pour devenir des travailleurs efficaces. S'explique ainsi la baisse constante des familles nombreuses qu'on ne retrouve plus guère aujourd'hui que dans les familles fraîchement immigrées.

Dans le système refondé, la mise au monde et l'éducation des enfants est profitable aux ménages, à condition qu'ils leur assurent un bon niveau d'éducation. S'ils se contentent de les mettre au monde et de les jeter sur le marché du travail sans formation, ils n'en tireront pas bénéfice.

Une baisse des prélèvements sociaux 

Rappelons, en premier lieu, que la réforme proposée se fait à dépenses constantes. 

Les mêmes sommes sont attribuées au titre des pensions de vieillesse ainsi qu'au titre des prestations familiales, de l'Éducation nationale et de toutes les dépenses qui concourent à l'éducation des jeunes générations.

Mais la logique de cette refondation va produire trois effets :

1°/ La contractualisation des droits à la retraite va mettre fin à l'augmentation constante des dépenses d'assurance vieillesse, augmentation qui s'explique par la poussée électorale des plus de 55 ans. Les générations du « papy boom » qui ont eu bien moins d'enfants que celles de leurs parents vont devoir se contenter d'une pression raisonnable sur les actifs.

2°/ La simplification des systèmes de retraite et de prestations familiales va générer une économie de gestion plus de 8 milliards d'euros par an. La ligne de crédit des prestations familiales remplacera les 25 prestations familiales différentes soumises à 1 200 règles particulières, le coût de cette complexité est évalué à 2,8 milliards d'euros. Le passage des 36 régimes de retraite actuels à un régime unique et par point va générer 6 milliards d'euros d'économies.



3°/ La fin du « toujours plus »
Dès lors que la protection sociale « s'achète », les citoyens hésitent à en demander davantage
et les « profiteurs » ne peuvent plus en bénéficier gratuitement.
Ce changement de mentalité permet, en outre, d'éclairer les choix du personnel politique.
Ne relèveront plus de la « solidarité » (c'est-à-dire de la générosité publique) que 10 %
environ des dépenses sociales. Elles seront, naturellement, maintenues.

La réforme conduit à une baisse du coût du travail 

Comparons les bulletins de paie d'un salarié moyen avant ou après la réforme :


La nouvelle physionomie du coût du travail après la réforme montre clairement qu'au lieu de ne consacrer que 70 % de ce qu'il gagne à ses besoins personnels - le reste lui étant prélevé sans contrepartie -, le salarié y consacrerait 95 % de ses gains. Sa satisfaction augmenterait considérablement.

Si un salarié touche moins que ce qu'il coûte à son employeur, il est plus exigeant sur son salaire net. Si, en revanche, ses cotisations sociales lui rapportent des droits, il accepte une rémunération nette inférieure ce qui fait diminuer le coût du travail. 

Quantité de travail 

La baisse du coût du travail qui résulte de cette réforme produira un avantage compétitif considérable pour la France comparée à ses partenaires européens encore englués dans des logiques de taxation. L'enjeu est énorme : il s'agit de rendre un haut niveau de protection sociale compatible avec l'économie de marché. 

Conclusion

Restituer à la politique familiale sa place logique au sein de la protection sociale produirait
de multiples effets bénéfiques en termes de justice sociale et de baisse des prélèvements
obligatoires.
Sur un plan « moral » ou « éthique », la réforme aurait l'immense mérite de faire adhérer nos
concitoyens à la défense de leur bien le plus précieux : leur famille.

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Audio: "Qu est ce qu une Famille" de Fabrice Hadjadj




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"La libération du mariage religieux"
 Claude de Martel & Anne Morinneaux de Martel - IF&R


Résumé

La loi du 77 mai 2013 a soulevé bien des interrogations de conscience. Il est apparu qu'elle s'adressait davantage à une minorité qu'à l'ensemble de nos concitoyens. Les rejets provoqués par cette loi auraient été bien atténués si le Parlement avait en même temps permis aux couples de célébrer leur union selon leurs propres convictions religieuses.

À l'instar de ce qui se passe dans de nombreux autres pays, authentiquement libéraux, il est urgent que la France admette la validité civile des mariages célébrés religieusement. En s'appuyant sur la convention de New York de 1962 sur le mariage, l'auteur formule des propositions concrètes pour réaliser cette réforme.



Les commentateurs, qu'ils soient pro ou anti- « mariage pour tous », s'accordent pour déclarer que la loi du 17 mai 2013, et ses semblables à travers le monde, ont bouleversé le mariage : « Traditionnellement, le mariage est défini comme l'union de l'homme et de la femme. Tel est l'héritage des siècles et des millénaires, tel est l'un des fondements de notre histoire et de notre culture »' - un ancrage immémorial dans l'histoire de l'humanité, et qui a été, de surcroît, longtemps marqué par une très forte imprégnation des croyances religieuses.

De ce passé, l'historien de demain constatera peut-être qu'une vingtaine d'années (le mouvement a commencé aux Pays-Bas en 2000) auront suffi pour faire table rase. Et il s'étonnera de la facilité avec laquelle, à quelques exceptions près, les choses se sont déroulées.

La cause principale de cette victoire éclair est bien connue. Le coup de force des partisans du mariage entre personnes de même sexe s'est déroulé sur fond de confusion extrême concernant la définition du mariage, ses formes, ses effets. Alors que la poussée apparemment irrésistible de l'individualisme, de l'égalitarisme, du consumérisme et du laïcisme dans les pays riches de la planète aurait dû conduire - et avait, en fait, déjà largement conduit - à une dilution du mariage dans un conglomérat de types d'unions et de familles dépourvus de toute dimension religieuse et plus ou moins indifférenciés sur les plans juridique, fiscal, social, la soudaine assomption du mariage entre personnes de même sexe a fait resurgir des questions qui étaient progressivement sorties de la sphère d'intérêt des médias, des responsables politiques, des juges et des professeurs de droit. D'où l'impression, parmi tous les observateurs de bonne foi, sinon d'une absence de débats, au moins d'une très grande insuffisance des débats autour de cette sorte de mariage proprement révolutionnaire. De sorte qu'aujourd'hui, personne ne peut trancher entre ceux qui voient dans le mariage entre personnes de même sexe une planche de salut pour le mariage et ceux qui y voient son acte de décès.

Mais l'historien du futur évoqué ci-dessus discernera sans peine un autre phénomène qui semble échapper à la plupart des observateurs de notre époque : le fait que les destructeurs du mariage traditionnel ont laissé subsister, dans la plupart des pays où ils ont sévi, des poches de résistance constituées par des formes de mariage alternatives au mariage civil. Malgré leur enthousiasme révolutionnaire, ils n'ont pas osé insulter définitivement l'avenir. De cela, au moins, les générations futures leur sauront gré à coup sûr. Sauf dans quatre pays européens qui, devant le tribunal de cette histoire, risquent de se trouver en mauvaise posture : la Belgique, la France, le Luxembourg et la Roumanie. On l'aura deviné : ce sont quatre États qui ont introduit l'homosexualité dans le mariage civil, alors que, sur leur territoire, aucune forme de mariage alternative n'est tolérée.

Le mariage religieux est-il une forme de mariage alternative au mariage civil ? Si oui, en quoi consiste cette alternative au regard du mariage entre personnes de même sexe ? Est-elle envisageable en France ?Telles sont les trois questions auxquelles nous nous proposons de répondre dans le présent article.

En Europe, le mariage religieux est déjà une alternative au mariage civil

Tous les États distinguent la cérémonie de mariage et l'acte de mariage

Avant la révolution du mariage entre personnes de même sexe, les débats qui pouvaient avoir lieu à propos du mariage ne portaient pas sur sa définition. On le sait, la plupart des États de l'Union européenne n'ont pas inscrit dans leur Constitution ni leur législation une définition explicite du mariage comme « union d'une femme et d'un homme ». De l'avis général, cette omission n'exprimait pas une indifférence sur le sujet, plutôt un sentiment d'inutilité, tant cette définition paraissait aller de soi.

Les débats portaient sur les divers effets du mariage, et sur les autres types d'union, PACS et union libre, quels droits pour eux ? Dans ce contexte, un point au moins paraissait acquis : le mariage était la seule union qui donnait lieu à la célébration d'une cérémonie dite « de mariage », et cette cérémonie précédait « l'acte de mariage » proprement dit, c'est-à-dire l'inscription de la femme et du mari dans les registres de l'état civil - sous l'appellation exclusive de femme « mariée » avec tel homme, et d'homme « marié » avec telle femme. La cérémonie donnait son sens au mariage ; l'acte lui donnait ses effets : une répartition des rôles que le mariage entre personnes de même sexe n'a pas modifiée.

Or, dans une majorité d'États de l'Union européenne, la cérémonie pouvait être - et est encore aujourd'hui - indifféremment civile ou religieuse ; l'édifice où se déroulait la cérémonie pouvait être - et est encore aujourd'hui - indifféremment une mairie (ou lieu équivalent) ou un lieu de culte.

Une minorité d'États seulement imposent à leurs citoyens la forme civile du mariage, et parmi eux, une minorité dans la minorité interdit tout mariage religieux non précédé d'un mariage civil.

Dix-huit États reconnaissent les mariages religieux

/ Une majorité d'États accordent à leurs ressortissants le droit de se marier seulement à l'Église. En ce cas, mariages civils et mariages religieux ont une valeur équivalente, et produisent les mêmes effets. Ces États sont : Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Portugal, République tchèque, Slovaquie, Royaume-Uni, Suède.

/ II est remarquable que ces pays permettant de se marier religieusement offrent cette possibilité non seulement à la religion dominante, mais aussi à de nombreuses autres confessions, mêmes minoritaires.

Par exemple en Italie, le mariage religieux catholique (dit concordataire), n'est pas seul admis par la loi. L'officier d'état civil est tenu de donner l'autorisation des cérémonies religieuses aux autres communautés chrétiennes et hébraïques qui ont passé des accords avec l'État italien. D'autres religions minoritaires peuvent aussi obtenir cette autorisation. En Espagne, un accord conclu en 1979 avec le Saint-Siège, a permis le mariage catholique. Puis des accords de coopération avec les fédérations évangéliques, israélites, puis avec la commission islamique d'Espagne, ont été approuvés par plusieurs lois en 1992. En Grèce, où le mariage civil a été instauré en 1982, il ne coexiste pas seulement avec le mariage orthodoxe très majoritaire, mais aussi avec les autres cultes « connus » selon les termes de la loi.

Le pluralisme religieux que l'on constate dans ces pays est d'une certaine façon le résultat de l'histoire. Notamment dans la péninsule ibérique, coexistaient avant la fin du XVe siècle les populations chrétiennes, islamiques et juives. Dans un esprit de fédération, le mariage confessionnel des membres de chacune de ces communautés religieuses, même minoritaires, a été toléré, les mariages chrétiens (mozarabes) ont été validés en territoires arabes, de même pour les mariages juifs et musulmans en territoires chrétiens (Mudejares).

La Grèce a été annexée par l'Empire ottoman à partir de 1453 jusqu'au début du XIXe siècle. Pendant ces presque quatre siècles, grâce à une tolérance mutuelle, les rites de la religion orthodoxe ont été maintenus, les mariages célébrés sous cette forme avaient valeur civile. On retrouve de nos jours, dans les lois les plus récentes, cette tradition de diversité des mariages.

Dans les pays baltes qui ont subi nombre d'invasions dont la plus récente est celle de l'occupation communiste, la religion a permis au peuple de résister à l'envahisseur, et le plus souvent de rester uni. Durant la période soviétique, l'Église catholique a aidé les Lituaniens à préserver leur identité nationale, de nos jours le mariage catholique coexiste dans ce pays avec le mariage civil, ainsi que celui des communautés religieuses minoritaires reconnues par l'État.

/ Les pays de Common Law s'attachent plus à protéger les personnes qui vivent en couple, qu'à la manière dont elles contractent mariage. En Angleterre, c'est le rite de l'Église anglicane qui domine, mais on peut se marier aussi selon des rites « non conformistes », c'est-à-dire ceux des Églises chrétiennes ou évangéliques, ou encore selon les cérémonies d'autres religions, notamment celle Israélite. Naturellement le mariage peut n'être que civil.
L'essentiel est d'obtenir de l'officier de l'état civil, le registre, un certificat d'autorisation de
se marier.
De même dans les pays nordiques - Danemark, Finlande, Lettonie, Suède - où la religion
dominante est l'Église évangélique luthérienne, on se marie dans les paroisses ou dans les
mairies.

/ D'une manière générale, les États européens ayant adopté le système dual - mariages civils et mariages religieux - le font sous deux séries de conditions : d'une part, les Églises sont, d'une manière ou d'une autre, expressément habilitées, et d'autre part elles doivent respecter les conditions de fond exigées par le pays, portant notamment sur l'âge des mariés et la réalité de leur consentement.

Une condition essentielle est aussi la transcription du mariage sur le registre de l'état civil, soit directement, soit par transmission par le ministre du culte de l'acte de mariage à l'officier d'état civil. L'omission de cette obligation peut être sanctionnée par l'inexistence du mariage.

/ La prééminence du droit civil sur le droit religieux, respectée dans tous ces États, conduit à définir le mariage religieux comme une alternative légale au mariage civil ; mais, en pratique, les mariages religieux jouissent encore d'une forte popularité, si bien que le mariage purement civil peut y être plutôt considéré comme une alternative aux mariages religieux, et non l'inverse. Il apparaît comme un gage supplémentaire de respect du pluralisme, offert par l'État aux couples qui ne se reconnaissent dans aucune religion. Ainsi se révèle une sorte de continuité historique remarquable : là où les gouvernants ont su voir dans la cohabitation pacifique des religions un facteur d'intégration de populations diverses, la coexistence de plusieurs formes de mariage, religieuses et civile, demeure un des ciments du « vivre ensemble ».

Six États réservent les effets civils aux mariages civils, mais tolèrent les mariages religieux

L'Allemagne, l'Autriche, la Bulgarie, la Hongrie, les Pays-Bas et la Slovénie réservent au
mariage civil l'exclusivité des effets civils du mariage, ils ne reconnaissent aucune valeur
aux mariages religieux, ces derniers sont inexistants selon la loi.
Toutefois, dans ces États, les mariages religieux ne sont nullement interdits. Des couples
vivant maritalement ont donc la possibilité de se marier religieusement. Leur mariage ne
sera pas validé par l'État, mais aussi bien ils pourront jouir de certains effets accordés aux
concubins. Dans des cas extrêmes, le mariage religieux pourra faire preuve de la date de
l'« union » et faire acquérir des droits quasiment identiques à ceux du mariage.

Le cas de l'Allemagne est particulièrement intéressant en ce que l'exclusivité du mariage civil y a été introduite en 1798 par la révolution française. Ensuite, ce régime autoritaire a été maintenu par la Prusse en 1815, puis par le gouvernement de Bismarck et les suivants, et ce jusqu'à la réunification de l'Allemagne en 2000. Pendant toute cette période, il a été interdit de célébrer un mariage religieux avant le mariage civil. Mais depuis la réforme de la loi sur l'état civil entrée en vigueur le 1er janvier 2009, cette interdiction est levée. Malgré un contexte globalement défavorable aux religions en Allemagne de l'Ouest, l'allégement du carcan imposé aux mariages religieux est apparu comme une mesure indispensable pour accompagner la levée du joug athée qui pesait sur l'Allemagne de l'Est.

Quatre États interdisent totalement le mariage religieux sans mariage civil préalable

Après le premier pas accompli par l'Allemagne pour rejoindre le camp des États tolérants,
quatre États se distinguent encore par une législation du mariage à laquelle on ne peut
trouver d'autre explication que celle d'une méfiance policière envers les religions,
systématiquement soupçonnées d'entretenir au sein des cellules familiales une opposition
à l'égard du pouvoir en place.
Ces États sont la Belgique, la France, le Luxembourg, et la Roumanie. Comme l'Allemagne
jusqu'en 2009, ils imposent le mariage civil en préalable à toute union religieuse.
En France, comme on le sait, la valorisation du mariage civil date de la Révolution qui a
dénié toute valeur au mariage religieux. Pour briser définitivement la prédominance du
mariage religieux catholique, la loi du 18 germinal an X a interdit aux prêtres de célébrer
des mariages religieux sans que n'ait été présentée une preuve du mariage civil préalable,
sous peine de sanctions pénales.
Depuis longtemps, ceux-ci ne se risquent plus à enfreindre la loi du mariage civil préalable,
mais les diverses tentatives pour dépénaliser les sanctions ont échoué, et l'infraction
existe toujours dans les termes de l'article 433-21 du Code pénal « Tout ministre d'un culte
qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies de mariage sans que lui ait été justifié
l'acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l'état civil sera puni de six mois
d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende ». Il suffit que deux mariages aient été célébrés
pour que la sanction pénale soit encourue.
En Belgique et au Grand-Duché du Luxembourg l'interdiction de célébrer des mariages
religieux avant les mariages civils est également assortie de sanctions pénales. Toutefois,
celles-ci semblent être tombées en désuétude.

En conclusion, le tableau qui vient d'être présenté sur la situation respective des formes civiles ou religieuses du mariage dans l'Union européenne démontre une réalité rarement évoquée en France : une minorité d'États seulement imposent à leurs citoyens de regarder le mariage comme une « affaire d'État ». Dans la majorité, le mariage a conservé le meilleur des aspects qu'il a acquis au cours des Temps modernes : il est d'abord une « affaire de conscience » entre les époux et pour les époux - le rôle des États étant seulement d'assurer à leurs ressortissants la libre jouissance de l'exercice de leur droit.

Face au mariage entre personnes de même sexe, le mariage religieux garantit la liberté de conscience

C'est précisément la gravité des questions de conscience soulevées par le mariage entre personnes de même sexe qui rend très décevante, à première vue, la répartition des pays ayant adopté ce type de mariage entre les trois catégories d'États que nous venons de présenter. Plus d'un tiers des États tolérants (sept sur dix-huit) a déjà adopté le nouveau mariage : Angleterre, Danemark, Espagne, Finlande, Irlande, Portugal, Suède. Dans le groupe intermédiaire, un tiers des États : la Slovénie et les Pays-Bas (qui se sont illustrés de manière éclatante, puisqu'ils ont été le premier État dans le monde à légiférer en ce sens). Sans trop de surprise enfin, la quasi-totalité des États les moins tolérants (trois sur quatre : Belgique, France, Luxembourg, avec l'exception de la Roumanie) a imposé le mariage entre personnes de même sexe.

On aurait pu espérer que des États ayant une longue tradition de recherche d'une coexistence harmonieuse entre des populations divisées s'abstiendraient de prendre le risque de créer de nouveaux désaccords. Mais, à la réflexion, une autre vision s'impose. Ces États ont d'autant plus facilement cédé aux pressions en faveur du nouveau type de mariage qu'ils ont eu la possibilité de ne pas l'imposer à l'ensemble de leurs citoyens, dans la mesure où les Églises, responsables de l'organisation des mariages religieux, conservent la possibilité de bénir ou de ne pas bénir des unions entre personnes de même sexe. À côté du mariage civil, désormais légalement ouvert aux personnes de même sexe, les religions et les mariages religieux peuvent apparaître comme des « terres d'asile » pour l'objection de conscience.

Pourquoi le mariage entre personnes de même sexe heurte nos consciences

/ L'idée d'un droit à l'objection de conscience face au mariage entre personnes de même
sexe sera difficilement comprise en France.
Car les péripéties qui, dans notre pays, ont accompagné l'adoption de la loi du 17 mai 2013,
risquent de faire disparaître pour longtemps l'association entre les termes « mariage » et
« conscience ».
On sait notamment qu'au cours des débats parlementaires, M. François Hollande, président
de la République, avait solennellement déclaré, le 20 novembre 2012, devant le Congrès
des maires de France qu'il entendait bien « que la loi s'applique pour tous, dans le respect
néanmoins de la liberté de conscience». Mais, dès le 21 novembre, il recevait précipitamment
les leaders de la toute-puissante mouvance LGBT" et renonçait à introduire dans la loi
une clause de conscience au bénéfice des élus locaux appelés à célébrer les mariages du
nouveau type.
La décision du Conseil constitutionnel du 18 octobre 2013 a validé ce choix en refusant le
droit à la liberté de conscience pour les élus locaux. Mais, pas plus que le Parlement, le
Conseil ne semble s'être sérieusement interrogé sur les convictions qui pouvaient mener un homme et une femme vers un officier de l'état civil pour lui déclarer qu'ils « veulent se prendre pour mari et femme »13.

« Se prendre pour mari et femme », n'était pas seulement prendre vis-à-vis d'une autre personne, et recevoir d'elle, l'engagement de rester fidèlement unis pour mener une vie commune. C'était aussi, dans la quasi-totalité des cas, s'engager à accueillir une ou plusieurs autres personnes comme perspective et fruit de cette union fidèle. Les deux dimensions étaient indissociablement liées : l'amour et la perspective de créer une famille, telle qu'elle est exprimée à l'art. 213 du Code civil : «Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir ». Or, il ne faut pas se le cacher, ce désir d'engendrer puis d'élever des enfants qui taraude la plupart des hommes et des femmes, et qui bénéficiait traditionnellement du soutien de la société tout entière, pose un problème insoluble dans le cas du mariage entre personnes de même sexe.

/Ce problème a été masqué lors des débats préparatoires à la loi du 17 mai 2013 par la focalisation sur les situations de familles déjà constituées entre personnes de même sexe. On doit désormais regarder en face la situation des « familles » de mariés de même sexe qui vont se créer dans le cadre des articles du Code civil lus au cours de la cérémonie de mariage. S'ils partagent un désir d'enfant, n'ont pas eu de vie commune antérieure avec des personnes de l'autre sexe, et restent fidèles l'un à l'autre, y compris sur le plan sexuel, comment les enfants vont-ils leur advenir ?

En réalité, les limites de l'adoption étant connues, les « couples » de femmes espérant un enfant sans conjoint/homme n'auront pas d'autres possibilités que le recours aux services d'un ami, ou une rencontre anonyme, et enfin plus nouvellement, malgré son interdiction en France pour l'instant, cette opération d'achat d'enfant sur catalogue qu'est la procréation médicalement assistée sans nécessité médicale (avec les dérives eugénistes dont personne ne semble se préoccuper). Par l'une ou l'autre de ces pratiques l'enfant ne connaîtra pas son père, par le seul effet de la volonté des mères-épouses.

L'enfant ne connaîtra pas sa mère non plus lorsque, pour satisfaire son désir d'enfant, un couple, le plus souvent d'hommes, aura eu recours à la gestation pour autrui, belle expression pour exprimer la mise à disposition de son corps par une femme, au profit exclusif d'un couple non procréatif. Cette « location » de ventre de femme, en contrepartie de discrets avantages pécuniaires, est la négation même de la femme égale de l'homme. Celle-ci, nécessairement pauvre, va porter l'enfant à ses risques et périls, partager son sang et ses gênes, pour au bout du compte l'abandonner selon les termes du contrat.

Cette femme n'a pas de choix contrairement à ce qui est avancé par certains, ce qui est en jeu pour elle, c'est de gagner quelque argent, pour son foyer ou pour sa famille, au détriment de son propre corps qui appelle l'enfant de ses vœux, mais qu'elle devra abandonner. La femme qui vend son petit pleure l'enfant perdu.20

Les désordres de la marchandisation de l'enfantement mettent en péril deux familles, celle de la mère qui a porté l'enfant, et celle de la mère dite d'intention : « Qu'est devenu notre frère ? Notre sœur ? », «Tu m'as acheté ? Combien ? Où est ma mère ? »21. Ou bien l'enfant acheté ignorera la femme qui lui a donné la vie, parce que sa famille lui aura appris à ne respecter que le Dieu Argent qui satisfait tous les désirs, y compris ceux du mystère ou de la magie de la procréation.

En résumé, le mariage entre personnes de même sexe introduit dans la notion de mariage des finalités qui sont contradictoires (filiation sans parent), mais surtout qui ne peuvent se réaliser sans porter atteinte à des principes que l'on croyait acquis à jamais après les horreurs des siècles passés : la prohibition de l'eugénisme et l'abolition de l'esclavage.

/ On reste stupéfait que de telles évidences n'aient retenu l'attention que d'un petit nombre de responsables et de commentateurs. L'explication de ce déni de réalité doit sans doute être recherchée dans la voie indiquée par M. François Hollande. Le 24 avril 2013, juste après l'adoption de la loi par le Parlement, il déclarait : « Cette réforme va dans le sens de l'évolution de notre société. Je suis sûr qu'elle en sera fière, dans les prochains jours ou plus tard, parce que c'est une étape vers la modernisation de notre pays ».

Au-delà de la question du mariage, c'est en fait toute une conception de l'avenir de l'humanité qui s'exprime : une humanité dans laquelle les progrès des sciences biomédicales auraient mis à la portée de toutes les classes moyennes la fabrication artificielle de la vie humaine. Certes, cette échéance apparaît encore lointaine, mais en attendant, il faut tenir, semer des jalons, passer des caps difficiles. Les femmes esclaves de la gestation pour autrui et les enfants fabriqués pour devenir orphelins ne sont que les victimes provisoirement nécessaires de cette révolution en marche.

Le système de pensée et de valeurs qui l'inspire porte déjà un nom : le « transhumanisme ». Face à lui se développent d'autres systèmes de pensée et de valeurs : les uns récents, tels que « l'écologie humaine »23, les autres beaucoup plus anciens, ce sont les religions. ,

Transhumanisme ou religion : le droit de choisir

1 "/ Le transhumanisme est un système intellectuel encore peu connu du grand public, et qui ne traite pas spécifiquement des questions de mariage. Il se situe dans le prolongement d'autres systèmes mieux connus (utopisme, positivisme, biologisme, etc.), mais il est promis à un grand avenir parce qu'il s'appuie, d'une part, sur la rapidité extraordinaire des développements accomplis au cours des vingt dernières années, dans le domaine de l'intelligence artificielle grâce à l'informatique, et d'autre part, sur des moyens financiers gigantesques Son objectif est la maîtrise du vivant et la création d'un être humain « augmenté » par les machines.

Le mariage entre personnes de même sexe est apparu en même temps que le transhumanisme faisait se lever à l'horizon la possibilité d'une fabrication artificielle des enfants. Et avec elle, la réalisation du vieux rêve athée de la reproduction des hommes sans le concours de la nature créée par Dieu.

2°/ On n'évoquera ici qu'un seul des systèmes de pensée alternatifs au « transhumanisme » : la religion chrétienne, et particulièrement la religion catholique.

Les religions s'opposent au transhumanisme sur tous les points importants qui se déduisent de l'existence de Dieu. Parmi ceux-ci, figure le pouvoir exclusif de Dieu de fabriquer des hommes «à son image». Ce pouvoir est refusé aux hommes, pour qui tout être humain créé est d'abord « un autre », le sujet d'une altérité imprescriptible qui fonde la liberté humaine. Et qui s'exprime notamment dans le mariage religieux.

C'est ainsi que le Code de droit canon de l'Église catholique, dans sa version de 1983 actuellement en vigueur, définit le mariage comme l'alliance « par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu'à la génération et à l'éducation des enfants » (c. 1055 § 1 ). L'altérité sexuelle ne se discute pas, c'est notamment la condition sine qua non du mariage, l'union ne peut exister que dans la différence et la complémentarité. Cette richesse inestimable pour le bien de l'homme et de la femme leur permet aussi d'être féconds, d'avoir une descendance.

Pour contracter une telle union, l'Église exige le consentement totalement libre des époux. Rappelons qu'elle a lutté contre les mariages forcés, et que le mariage chrétien, dont les formes ont varié dans le temps, a toujours défendu la liberté des sentiments amoureux.

Toutefois, l'amour réciproque des futurs époux doit s'accompagner d'assez de maturité, de discernement, de capacité aux relations interpersonnelles, pour que le mariage soit librement contracté. C'est ainsi que les incapacités du droit canon sont plus nombreuses que celles du droit civil ; elles peuvent aboutir à l'annulation du mariage si notamment l'un des époux n'est pas apte à assumer les obligations essentielles du mariage, en ce cas les consentements n'auront pas été échangés librement.

La fidélité et l'indissolubilité sont les autres éléments de fond essentiels. Le Christ a affirmé le principe du mariage indissoluble : « Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni » (Mt 19 6; Me 10 9; Le 1618).

Mais la richesse de l'altérité peut être aussi une épreuve lorsque les caractères des époux sont trop éloignés. Il est des moments où l'amour s'enfuit ; les tentations, l'épuisement, le découragement ou toute autre cause peuvent rendre le mariage très difficile. Mais pour autant, le lien n'est pas rompu, il n'y a pas de place dans le mariage catholique pour le « divorce pour altération définitive du lien conjugal ». Les époux puisent leur force dans la certitude qu'il y a dans l'autre une étincelle, un morceau de Dieu, et qu'ils doivent poursuivre le chemin commencé sans le délaisser ni le rejeter. Le chrétien ne doit pas se replier sur lui-même et sa propre souffrance, il doit regarder l'autre avec le même amour que celui que Dieu porte sur tous les humains.

II s'ensuit un élan pour s'ouvrir à la patience et à la générosité, pour s'efforcer de comprendre et au besoin de pardonner. Cela ne se fait pas seul, mais avec l'aide de Dieu et du sacrement que l'on a reçu lors de l'échange des consentements. Et c'est devant le prêtre, les témoins et éventuellement leur famille et leurs amis que les futurs époux échangent leur consentement, car précisément le mariage catholique n'est pas clandestin.

3°/ II n'y a donc rien dans le mariage catholique français qui soit nuisible, ou contraire aux lois et aux bonnes mœurs.

Au même titre que la conception transhumaniste du mariage, la conception religieuse présente toutes les conditions posées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme pour être protégée par l'article 9 de la Convention du 4 novembre 1950 : elle atteint « un certain degré de force, de sérieux, de cohérence et d'importance », elle est liée « à un aspect grave et important de la vie et de la conduite de l'homme » et elle peut être jugée digne de protection dans une société démocratique européenne. Comme les pacifistes, les athées, les végétaliens ou encore les communistes, les citoyens français qui s'opposent au mariage entre personnes de même sexe en raison de ses conséquences pour l'humanité et de leurs convictions religieuses doivent donc pouvoir bénéficier de la liberté de conscience garantie par la Convention européenne des droits de l'homme. Pour répondre à cette exigence, même si la Cour européenne n'a pas encore reconnu un droit au mariage religieux, l'abrogation de l'article 433-21 du Code pénal et l'ouverture à tous les Français d'un libre accès au mariage religieux constitueraient aujourd'hui les mesures les plus appropriées et les plus faciles à prendre.

Une solution pour la France

L'abrogation de l'article 433-21 du Code pénal

L'instauration d'un libre accès au mariage religieux en France suppose une première mesure législative : la dépénalisation du mariage religieux sans mariage civil, c'est-à-dire l'abrogation de l'article 433-21 du Code pénal. Cette mesure a déjà fait l'objet dans le passé de plusieurs propositions législatives, ainsi que d'amendements lors de la discussion du projet de loi de 201329.

Bien que cette sanction soit contraire à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, aucune suite n'a été donnée jusqu'à présent, sous l'effet d'un vieux réflexe anticlérical. La présentation de cette mesure comme le préalable d'une réforme globale devrait permettre au Parlement de la voter sans peine, dès lors que le principe de cette réforme aura été expliqué, compris et adopté.



L'extension au mariage religieux des effets du mariage civil

/ Le cœur de la réforme sera donc l'extension au mariage religieux des effets du mariage
civil.
Une telle révolution législative n'a pas encore fait, à notre connaissance, l'objet de
propositions concrètes. C'est pourquoi, nous présentons en annexe une ébauche de
description des procédures proposées et quelques réflexions sur leur impact.
2°/ Pouvoir du législateur.
La décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi ouvrant le mariage aux personnes
de même sexe a eu au moins le mérite d'établir que le législateur avait les mains totalement
libres pour agencer à sa guise les règles relatives au mariage. Ni la Constitution, ni aucun
principe constitutionnel, ni même l'appréciation du juge constitutionnel ne peuvent barrer
sa route.
Cependant, le fait que les nouvelles procédures proposées passent par des lieux de culte,
fassent intervenir des ministres des Cultes, peut soulever des interrogations sur le respect
du caractère laïc de la République française. Il convient donc d'apporter immédiatement les
apaisements nécessaires.

/ Application de la Convention de New York et principe de laïcité. La réforme proposée s'inscrira dans le respect le plus strict de la convention de New York du 10 décembre 1962 sur « le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages », et notamment de son article 1er - al.1 : «Aucun mariage ne pourra être contracté légalement sans le libre et plein consentement des deux parties, ce consentement devant être exprimé par elles en personne, en présence de l'autorité compétente pour célébrer le mariage et de témoins, après une publicité suffisante, conformément aux dispositions de la loi ».

Ce texte place l'expression du libre consentement des époux au centre de toute la procédure de mariage : elle est le moment crucial d'une célébration publique à laquelle participent les époux eux-mêmes, bien sûr, mais aussi une « autorité compétente » et des témoins. Comme on l'a vu précédemment, cet échange public des consentements est le moment solennel où les époux affirment le sens de leur union.

En France, une telle description s'applique non seulement à tous les mariages célébrés en mairie, mais aussi aux mariages célébrés dans des églises, temples ou synagogues. La réforme consistera simplement à considérer les prêtres, pasteurs et rabbins comme « autorités compétentes » au sens de l'article 1er de la Convention, ainsi que le font tous les pays européens tolérants.

Le fait de considérer les prêtres, pasteurs et rabbins comme « autorités compétentes » au sens de l'article 1er de la Convention de New York ne signifie nullement la reconnaissance par la République des Cultes catholique, protestant ou juif. Il s'agit seulement ici de reconnaître aux ministres des cultes la qualité de témoins crédibles d'événements - les échanges libres des consentements - que l'officier de l'état civil n'aura pas constatés par lui-même. Ce n'est pas parce que les mariages religieux ont, aux yeux de tous les croyants qui y participent, une signification surnaturelle, qu'ils ne donnent aucune prise à la nature : des comportements se manifestent, des gestes s'échangent ; c'est de ces événements naturels, et de ceux-là seulement, que les ministres des Cultes rendront compte aux officiers de l'état civil. L'autorité déléguée par l'État ne servira ni à confirmer ni à infirmer les croyances des époux ; les ministres des Cultes auront seulement pour mission de s'assurer que les époux ont extériorisé leur consentement selon les exigences de l'autorité supérieure située à l'extérieur du lieu de culte, c'est-à-dire l'État.

Ces témoins privilégiés seront, en quelque sorte, accrédités en raison de leur discernement, mais seulement pour remplir une mission factuelle. Le Code civil traite déjà de cette manière les divers professionnels de santé qui interviennent pour déclarer les naissances ou les décès. L'État ne fait alors pas de distinction selon le statut public ou privé des professionnels.

Comme l'écrit un auteur, « La loi de 1905 ne met pas fin aux relations de l'Église et de l'État : elle en ouvre un nouveau chapitre dans des conditions redéfinies. Désormais, leurs relations passent du droit public au droit privé (au sens classique de cette division). A ces personnes ou associations privées, l'État peut (...) confier des missions de service public : en aucun cas, d'aucune manière, ces décisions ne leur confèrent les attributions et prérogatives de la puissance publique »33. La mission qui serait confiée aux ministres des Cultes de « célébrer » des mariages (au sens de la convention de New York), se situerait bien dans ce cadre, puisqu'il n'est pas proposé de considérer les prêtres, pasteurs et rabbins comme « autorités compétentes » au sens de l'article 3 de la Convention : « Tous les mariages devront être inscrits par l'autorité compétente sur un registre officiel». L'inscription des actes de mariage au registre de l'état civil demeurera une compétence exclusive des services municipaux de l'état civil, et il appartiendra au ministère de l'Intérieur d'en définir les modalités.

/ Respect des lois qui intéressent l'ordre public.
La distinction opérée entre la cérémonie de mariage et l'acte de mariage aurait aussi pour
effet de garantir le respect des lois d'ordre public. Les contrôles effectués par l'officier de
l'état civil en amont de la cérémonie permettraient d'écarter d'emblée trois effets possibles
du mariage impliqués par certains rites religieux.
Il s'agit, concernant les époux de confession catholique, de la vocation à l'indissolubilité du
mariage prévue par le droit canonique. En effet, le principe d'indisponibilité des personnes
limite la liberté contractuelle, il interdit l'engagement formel des époux « à perpétuité ». Une
telle disposition écrite ne pourrait qu'être sanctionnée, comme contraire à l'ordre public,
article 6 du Code civil. Nonobstant la célébration religieuse du mariage, les époux auront le
droit de divorcer selon les lois civiles en vigueur, sans avoir à solliciter l'autorisation d'une
autorité ecclésiastique.
D'autre part, le droit musulman admet encore la bigamie, bien qu'elle soit en recul dans
les pays d'Afrique du Nord, ainsi que la possibilité de répudier l'épouse, deux notions
également contraires aux lois qui intéressent l'ordre public.
Concernant la bigamie, si le mariage est célébré à l'étranger, dans un État qui la tolère, l'État
français ne donnera aucune valeur au mariage célébré après un premier non encore dissout.
Si d'aventure un tel mariage était par erreur célébré en France, il serait frappé de nullité
absolue, comme contraire à l'ordre public, selon l'article 147 du Code civil et l'article 433-20
du Code pénal ; sauf la possibilité pour la seconde épouse de soumettre à l'appréciation du
tribunal la question de la putativité de ce mariage à son égard.
Enfin, le droit à la répudiation de l'épouse, prévu sous conditions par le droit musulman,
est invalide en France, en raison notamment de l'inégalité qu'il implique entre les époux.
Tous les époux français mariés selon le rite musulman ont droit à la procédure de divorce en vigueur sur le territoire, et notamment les épouses, écartant ainsi le droit musulman. Notons que le législateur sera loin de se sentir en terre inconnue pour exercer les discernements nécessaires face aux effets éventuellement indésirables des mariages religieux. En effet, la France valide déjà des mariages religieux, dès lors qu'ils sont célébrés hors de son territoire, dans les termes de l'article 171 -1 du Code civil : « Le mariage contracté en pays étranger entre Français, ou entre un Français et un étranger, est valable s'il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration... ».

Il s'agit de l'application d'une notion dite de « l'effet atténué de l'ordre public » et ainsi, ce qui serait illégal en France sera validé du seul fait que cela s'est produit à l'étranger, avec l'approbation de la loi étrangère. Pour peu que les conditions de fond élémentaires du mariage aient été respectées, touchant notamment à la réalité du consentement et au respect des interdits (âge, inceste...), le mariage célébré hors de France est « sauvé ».

/ Désignation des religions bénéficiaires de la réforme.
Un dernier point, toutefois, peut soulever une difficulté. Comment établir la liste des
religions dont les ministres recevront délégation de l'État pour célébrer des mariages ayant
un effet civil ?
Cela a été réglé par tous les États tolérants, selon des méthodes diverses, mais en faisant
souvent une distinction entre les religions « traditionnelles » dans le pays et les religions
« nouvelles ».
On ne peut qu'espérer le même pragmatisme de la part du législateur français. Cette
attitude conduirait à appliquer la réforme sans délai aux Églises dont les relations avec l'État
sont inscrites depuis 1905 dans un cadre législatif stable : les Églises des cultes catholique,
protestant et juif. Celles-ci sont organisées, au regard de la loi civile, en associations cultuelles
reconnues par l'État et qui, étant les employeurs des ministres des Cultes, constitueront les
interlocuteurs directs des services préfectoraux.
Au demeurant, comme cela a été développé plus haut, l'expérience d'un siècle de
séparation entre ces trois Églises et l'État n'a jamais fait apparaître aucune utilisation des
mariages cultuels à des fins contraires aux valeurs républicaines. À cet égard, le passé
répond certainement de l'avenir.
Le déroulement des cérémonies de mariage par des religions qui sont encore minoritaires
en France, notamment les religions musulmane et bouddhique, exigera des mises au point
à préciser, en particulier pour l'expression des consentements des époux.
Intemporalité et universalité du mariage : «Depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes
et qui aiment... », aurait pu écrire La Bruyère.
Oui, le mariage, dira-t-on, peut tout accepter d'une humanité qui change au fil des siècles et
des millénaires. Mais tous les hommes peuvent-ils tout accepter d'un mariage qui change
alors qu'eux-mêmes n'ont pas changé ? C'est là, résumée, toute l'ambiguïté de la révolution
du mariage entre personnes de même sexe.

Fondée sur l'hypothèse d'une arrivée prochaine de la fabrication artificielle des humains, elle comporte aujourd'hui des aspects qui la rendent révoltante. Le principe de précaution aurait dû conduire à la différer. Il n'en a malheureusement pas été ainsi. Mais le principe de la liberté de conscience doit conduire à respecter les opinions divergentes - lesquelles, aujourd'hui, s'expriment majoritairement dans le cadre des différentes religions pratiquées sur tous les continents. Les futurs époux et époux croyants ne doivent pas être contraints d'accepter de donner à leur mariage un sens qu'ils refusent de toute leur énergie, même s'ils en recherchent les effets.

C'est pourquoi nous invitons l'État français à franchir le pas et à reconnaître valeur civile aux mariages religieux. Il fera montre de tolérance, pour le plus grand bien des couples concernés et de leur descendance. Et il se ralliera au message, certainement conçu pour avoir valeur universelle, que vient de délivrer la Cour suprême des États-Unis d'Amérique. En conclusion de son arrêt du 26 juin 2015, Obergefell et al. v. Hodges, imposant le mariage entre personnes de même sexe sur tout le territoire fédéral, la Cour écrit : «On doit souligner que les religions, et ceux qui adhèrent à des doctrines religieuses, peuvent continuer d'affirmer avec la plus sincère conviction que, par les préceptes divins, le mariage entre personnes de même sexe ne doit pas être accepté. ..lien est de même pour ceux qui s'opposent au mariage de même sexe pour d'autres raisons. En retour, ceux qui croient que le mariage de même sexe est justifié et même essentiel, pour des raisons de convictions religieuses ou de croyances séculaires, peuvent partager leurs points de vue avec ceux qui sont en désaccord, dans un débat ouvert et constructif... ».

Passons sur les « préceptes divins » qui rangent toutes les religions du côté des fondamentalismes, et retenons l'appel à un « débat ouvert et constructif ». C'est précisément ce débat qui a fait défaut en France. N'oublions pas qu'il avait été demandé par une pétition citoyenne réunissant 700 000 signatures et adressée au Conseil économique, social et environnemental (CESE) légalement saisi pour avis ; or celui-ci a refusé de la recevoir.

Aujourd'hui, la situation est bloquée car les objections de « ceux qui continuent d'affirmer que le mariage entre personnes de même sexe ne doit pas être accepté » ne trouvent aucune enceinte pour s'exprimer. En libérant le mariage religieux, le Parlement français rattachera enfin notre pays au groupe des États tolérants, ceux qui admettent l'éventualité que le mariage entre personnes de même sexe ne soit pas, en dépit des apparences, définitivement gravé dans le marbre de leur droit positif.


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I - Abroger: La Genèse d'une loi et ses conséquences    (Janv 2016) (
II - Abroger ! pourquoi ? Comment ? ()
III - Protéger le mariage, l'enfant , la Famille et Interdire la GPA () 
IV - Refonder la politique familiale et la reconnaissance du Mariage religieux () 

Quelques approches sur " l'Abrogation de la Loi Taubira" ...
                                                                              (Nov 2014)  ()
"Abroger la loi Taubira" par Pierre-Olivier Arduin
                                                                                (Nov 2014) ()

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